Artisanat À Iferhounène Les femmes de l’ombre

Elles exercent leur métier et font de l’art traditionnel avec patience, doigté et amour, mais toujours à l’écart, “victimes” d’une société qui les "opprime".

Elles affrontent les tabous et les idées reçues. Qui sont-elles ?
Que font-elles ? Comment perpétuent-elles leur talent ?
Ce sont des femmes qui font tout simplement leur travail d’art, à l’ombre, certes, mais qui les libère.
“Aujourd’hui, le monde tourne. Nous pouvons lever un coin du voile et voir le jour. Par notre travail, nous participons à la vie de tous les jours sans être inquiétées. Autrefois, il y a encore si peu de temps, c’était uniquement les tâches ménagères, l’usure derrière le métier à tisser, les travaux des champs, sans aucune reconnaissance. On accordait peu de valeur à notre travail”, nous rappelle Na Hayet, une quinquagénaire qui exerce son métier de pâtissière dans un local aménagé à Tizi Bouirane, à l’entrée d’Iferhounène.
Elle y confectionne et propose des gâteaux de toutes sortes, très prisés particulièrement à l’occasion des fêtes de l’Aïd, de l’Achoura, des mariages, circoncisions, fiançailles…
Il y a encore peu de temps, elle hésitait à se lancer dans ce projet. Elle avait cette phobie de ce que allait susciter son initiative. Mais la précarité et le désespoir lui ont donné des ailes pour lancer sa micro-entreprise. Elle réussit et créa même des postes de travail en recrutant quelques femmes. “J’aime mon travail. Je partage tout un plaisir avec mes nombreux clients, toujours satisfaits, en leur proposant mes créations”, ajoute encore Na Hayet. Pour Mme Aït Zerrouki, couturière, il a fallu surmonter les mêmes appréhensions, bousculer les considérations rétrogrades qui faisaient de la femme une ouvrière maison.
Elle a ouvert son propre atelier dans lequel elle propose une variété de créations (prêt-à-porter, broderie, peinture sur soie…), notamment aux commerçants, qui apprécient ses modèles.
À l’occasion des mêmes fêtes, Mme Aït Zerrouki est sollicitée en permanence. Elle regrette néanmoins la situation déplorable, d’incertitude et de détresse, que vivent certaines femmes dans la région. “Elles ont pourtant de belles propositions et des idées lumineuses. De mon côté, je ne manque pas d’apporter de la lumière à toutes ces jeunes filles qui viennent solliciter mon aide”, rassure encore Mme Aït Zerrouki.
Pour Mlle A.S. Mouhand, psychologue, ces femmes “restent un exemple dans cette région fortement traditionaliste. Elles sont des pionnières qui défient les idées qui refusent de croire à leur volonté, à leur force de travail, de courage et d’imagination”.
Ce sont des femmes encore à l’ombre, mais leur petite industrie profite à tous, car elle savent être utiles et agréables en montrant une autre manière de voir.